Chapitre 4La Chambre des communes et les députés
Les sièges vacants
Normalement, un député siège pendant toute la durée d’une législature, mais il arrive souvent que des sièges deviennent vacants. Une personne cesse d’être député quand :
- elle meurt ;
- elle démissionne ;
- elle accepte une charge rémunérée au service du gouvernement fédéral ;
- elle est élue député d’une assemblée législative provinciale ou territoriale ;
- son élection est déclarée nulle en vertu de la Loi électorale du Canada ;
- la Chambre a adopté un ordre déclarant que le siège est vacant et a ordonné au Président d’enjoindre au directeur général des élections de délivrer un nouveau bref pour l’élection d’un nouveau député.
Décès d’un député
Lorsqu’un député meurt en exercice, un député peut se lever pour l’annoncer à la Chambre464. Autrement, deux députés peuvent en aviser le Président par écrit465. Une fois informé, le Président fait savoir à la Chambre, habituellement en début de séance, qu’il a reçu avis d’une vacance dans la députation et qu’il a demandé au directeur général des élections de délivrer un bref pour l’élection d’un député afin de pourvoir à cette vacance466.
Si la présidence est vacante ou si le Président est absent, deux députés peuvent signaler la vacance au directeur général des élections, lequel est alors habilité à délivrer un bref d’élection en vue de pourvoir à la vacance467.
Décès d’un député après une élection générale
Si, entre la tenue d’une élection générale et le début de la première session d’une nouvelle législature, et avant l’élection d’un Président, une vacance survient dans la députation à la Chambre des communes en raison du décès d’un député, deux députés informent par écrit le directeur général des élections de cette vacance468. Le directeur général des élections est alors habilité à délivrer un bref pour l’élection d’un nouveau député afin de pourvoir à cette vacance. Lors du premier jour de la première session de la législature, après l’élection d’un Président et le retour des députés à la Chambre des communes à la suite du discours du Trône au Sénat, le Président fait part à la Chambre des vacances de sièges469.
Démission d’un député
Un député peut aviser le Président de son intention de démissionner immédiatement en faisant une déclaration à la Chambre470. Ensuite, le Président adresse au directeur général des élections l’ordre officiel de délivrer un bref d’élection en vue de pourvoir au remplacement du démissionnaire471. Tout député peut aussi se démettre de ses fonctions en faisant parvenir au Président une déclaration écrite signée devant deux témoins. Le Président, sur réception de celle-ci, adresse au directeur général des élections l’ordre officiel de délivrer un bref d’élection en vue de pourvoir au remplacement du démissionnaire472.
Le député qui souhaite démissionner alors qu’il y a vacance du poste de Président ou que ce dernier est absent du Canada peut faire parvenir à deux députés une déclaration signée de son intention de démissionner. La procédure reste la même lorsque l’intéressé est le Président473. Dès réception de la déclaration, les deux députés adressent au directeur général des élections l’ordre officiel de délivrer un bref d’élection en vue de l’élection d’un nouveau député474.
Quand un député remet sa démission, son siège est réputé vacant et il perd sa qualité de député475. Toutefois, il est interdit à un député de démissionner tant que son élection est contestée ou avant l’expiration du délai légal durant lequel elle peut l’être pour d’autres motifs que ceux de corruption476.
Acceptation d’émoluments ou d’une charge rémunérée au service du gouvernement fédéral
Le mandat de député est incompatible avec l’acceptation ou l’exercice, au service du gouvernement fédéral, d’une charge à laquelle sont rattachés des avantages quelconques, pécuniaires ou en nature. Ainsi, le siège d’un député devient automatiquement vacant s’il accepte une nomination au Sénat, le poste de gouverneur général, la fonction de juge ou toute autre charge publique du genre477. L’incompatibilité ne s’étend pas aux députés qui occupent des postes de ministres ou qui sont nommés ministres au cours d’une session478. Si un député accepte une charge quelconque après la tenue d’une élection générale, mais avant l’ouverture de la législature, tout autre député peut faire savoir au directeur général des élections qu’il y a vacance. Le directeur général des élections peut alors délivrer un bref d’élection pour pourvoir à cette vacance479.
Élection à une assemblée législative provinciale ou à un conseil municipal
Un député élu à une assemblée législative provinciale ou territoriale ne peut conserver son titre de député480. Dans la plupart des provinces et des territoires, les députés de la Chambre des communes ne peuvent pas se proposer comme candidats à une assemblée législative à moins de renoncer d’abord à leur siège avant la fin de la période de présentation des candidats481. Dans certaines provinces, il est aussi interdit aux députés de briguer les suffrages au sein d’un conseil municipal482. Dès que le député s’est démis de ses fonctions, le Président adresse au directeur général des élections l’ordre officiel de tenir une élection en vue de pourvoir à la vacance.
Résultat d’une élection contestée
Une vacance dans la députation à la Chambre peut se produire comme résultat d’une élection contestée. Une élection peut être contestée si quelqu’un allègue qu’une irrégularité, fraude, manœuvre frauduleuse ou acte illégal a compromis les résultats du scrutin dans une circonscription ou si quelqu’un a des raisons de croire qu’un candidat n’était pas éligible en vertu de l’article 65 de la Loi électorale du Canada483. Si un tribunal provincial annule l’élection (ou la Cour suprême du Canada, en cas d’appel), le résultat du candidat déclaré élu est annulé et le Président en est informé484. En pareil cas, le Président fait part à la Chambre de la décision puis envoie un ordre officiel au directeur général des élections pour qu’il délivre un nouveau bref d’élection485.
Expulsion
Il n’existe aucune disposition constitutionnelle et peu de dispositions législatives permettant d’expulser un député élu. Les dispositions législatives qui rendent un député inhabile à voter ou à siéger n’entraînent pas automatiquement la vacance de son siège486. En raison de ses privilèges parlementaires, la Chambre jouit du droit de trancher toute question touchant au droit de siéger des députés : elle a l’autorité de décider si un député doit être autorisé à siéger aux comités, à toucher un salaire ou même à conserver sa qualité de député487.
Le pouvoir d’expulser un député tient de l’autorité traditionnelle qu’a la Chambre de décider si les députés sont habiles à siéger. Il n’est pas nécessaire qu’un député soit reconnu coupable d’une infraction criminelle pour être expulsé de la Chambre ; en effet, la Chambre peut juger qu’un député s’est rendu coupable d’une conduite indigne d’un député. Même s’il fait l’objet d’une accusation au criminel, un député ne perd pas sa qualité de député. S’il est condamné pour un acte criminel, le député ne peut être privé de son siège que par un ordre de la Chambre488. L’expulsion met fin au mandat du député ; la Chambre déclare le siège vacant et ordonne au Président d’adresser un ordre officiel au directeur général des élections pour qu’il délivre un nouveau bref d’élection489.
Comme la question de savoir si un député est inhabile à siéger et à voter affecte les privilèges collectifs de la Chambre, une motion portant expulsion d’un député est posée sans avis préalable et a priorité sur toute autre affaire490. Chaque fois qu’un député a été reconnu coupable d’un acte criminel, la Chambre des communes s’est refusée à agir avant que n’aient été déposés tous les éléments de preuve nécessaires, à savoir les décisions des tribunaux condamnant le député et les jugements en appel confirmant la peine491. Tout député peut proposer une motion pour qu’un député soit expulsé et que son siège soit déclaré vacant492. Si la motion est adoptée, le Président adresse un ordre au directeur général des élections pour qu’il délivre un bref d’élection.
Depuis la Confédération, quatre députés de la Chambre des communes ont été expulsés pour avoir commis de graves infractions493. Trois cas de condamnation étaient relatifs à des actes criminels : Louis Riel (Provencher), ayant été accusé du meurtre de Thomas Scott, fut expulsé une première fois en 1874494 et de nouveau en 1875495 ; Fred Rose (Cartier) fut expulsé en 1947 après avoir été reconnu coupable de complot aux termes de la Loi sur les secrets officiels496 ; et, en 1891, Thomas McGreevy (Québec-Ouest) fut expulsé après avoir été reconnu coupable de mépris envers l’autorité de la Chambre497.
L’expulsion ne crée aucune incapacité de servir de nouveau au Parlement à moins que les motifs justifiant l’expulsion ne rendent eux-mêmes le député inhabile à briguer les suffrages à la Chambre (comme une condamnation pour acte illégal ou une manœuvre électorale frauduleuse)498. D’ailleurs, à deux reprises, un député expulsé de la Chambre des communes a brigué de nouveau les suffrages : après sa première expulsion de la Chambre en avril 1874, Louis Riel fut réélu dans une élection partielle en septembre 1874 ; et Thomas McGreevy fut réélu à la Chambre lors de l’élection partielle du 17 avril 1895499.